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Les chats de Daniel Schneidermann : «J'approuve François Bayrou lorsqu'il critique TF1»
Notre chroniqueur a répondu, mardi 5 décembre, aux questions des internautes de «Libération».

Lila: Approuvez -vous l’attitude de François Bayrou au 20 heures qui ose critiquer ouvertement les médias et plus particulièrement TF1?
Non seulement je l’approuve, mais cette attitude me paraît tout à fait salutaire. La première fois que Bayrou avait ainsi interpellé Claire Chazal, à propos de la proximité des dirigeants de TF1 et de Nicolas Sarkozy, j’en étais resté figé dans la cuisine, ma fourchette en l’air, tellement cette attitude était nouvelle. Quand on a appris, le week-end dernier, que Bayrou retournait au 20 heures de TF1, au soir de sa déclaration de candidature, j’ai été effleuré par un doute: ne me serais-je pas fait avoir par une rebellion éphèmère? J’ai vu avec plaisir que Bayrou a «remis ça» face à Claire Chazal, ce qui m’a rassuré. Je sais que tout le monde n’est pas d’accord. J’ai ainsi vu sur le blog de mon excellent confrère Jean-Michel Aphatie de RTL qu’il trouvait que Bayrou, en retournant à TF1, manquait de cohérence. Son point de vue se respecte, même si je suppose que la situation de concurrence de l’émission qu’il anime, «Le grand jury», face aux journaux de TF1, n’est peut-être pas tout à fait étrangère à son point de vue. Mais sur un plan plus général, aller contester la citadelle au coeur même de la citadelle est une transgression formidablement bienvenue. Ce qui me paraît anormal, à l’inverse, ce sont tous ces invités politiques de TF1 qui se gardent bien de la moindre critique contre TF1, de peur de ne plus y être invité.

Jonasakira: Dans votre dernière chronique, vous parlez du «point de rencontre entre la compétence des journalistes et les cris des oubliettes» (les blogs). Avez-vous une idée de la forme exacte de ce point de rencontre? Est-ce un projet précis?
Précis dans la forme, non. Je sais que Libé, ou plus précisément le site de Libé, peut-être ce point de rencontre. Mais si le journal a le désir de l’être, la forme exacte s’inventera au fur et à mesure.

Petit-taf: N’existe-t-il pas actuellement une sorte de crise de l’imagination chez les journalistes, qui semblent bien se conforter, se complaire dans un duel Sarkozy/ Royal?
Oui, sûrement. En tout cas, c’était le thème de Bayrou lors de l’émission dont je parlais plus haut. Quand nous l’avons invité à Arrêt sur images, en septembre, il nous a raconté qu’il avait eu une entrevue orageuse avec le vice-président de TF1, Etienne Mougeotte, et que Mougeotte avait théorisé ça, en disant que lui, Mougeotte, considérait que la bipolarisation était une bonne chose pour la France.
Je ne crois pas que tous les dirigeants de médias aient ainsi théorisé la même chose, mais les facteurs qui poussent à privilégier Ségo et Sarko sont sans doute plus mécaniques. D’abord, parce que le raisonnement médiatique adore le binaire, et préfère toujours le chiffre deux au chiffre trois. Ensuite parce que ces deux figures-là, à l’évidence, jouent le jeu des médias, d’une part en fondant une grande partie de leur campagne sur l’image, et d’autre part par la nouveauté de la forme de leur discours.

Petit-taf: le journal de 13 heures de ce jour sur France 2 n’a pas du tout parlé de politique, comment s’explique les indifférences et parfois leur contraire dans la quotidienneté de l’information politique?
J’ai raté ce journal en particulier. S’il est vrai qu’il n’a pas dit un mot de politique, c’est tout de même une exception par les temps qui courent !