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Le 05/09/2006 à 6 h 00 - par Constance Jamet dans marianne-en-ligne.fr

Avant que la rentrée politique et médiatique de Nicolas Sarkozy à Marseille n’ait tout emporté sur son passage, François Bayrou a profité de son université d’été pour lancer sa campagne présidentielle. L’occasion pour le chef de l’UDF de consommer sa rupture avec l’UMP et de réaffirmer sa foi en un gouvernement pluraliste.

A la Grande Motte, François Bayrou a fait sienne la devise de son héros, Henri IV, à qui il avait consacré une biographie. Si « Paris vaut bien une messe », pour le président de l’UDF l’Elysée semble bien valoir un schisme avec le grand frère UMP. Durant ces trois jours de rassemblement, il a martelé son leitmotiv: briser le monopole UMP-PS.

Dans ce nouveau dogme, les traditionnelles affinités sont oubliées : Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal sont cloués au pilori. Qu’ils votent pour l’un ou l’autre, les électeurs ne tomberont que de Charybde en Scylla. « Les Français devront décider s'ils veulent rompre avec le cycle de monopole politique à deux institué par les amis et les héritiers de François Mitterrand et les amis et peut-être les héritiers de Jacques Chirac depuis 25 ans », a expliqué le député des Pyrénées-Atlantiques, qui refuse l’idée d’un tête à tête entre les deux favoris pré-qualifiés des sondages. Seule alternative à ce duopole : l’UDF.

Pour François Bayrou, hors de question que sa formation gouverne seule, égoïstement, comme l’ont fait les socialistes ou la droite chiraquienne – des trusts politiques qui lorsqu’ils sont majoritaires au Parlement récoltent au mieux les suffrages de 20% des Français. Si l’ancien ministre de l’Education est porté au pouvoir, il constituera un « gouvernement d’ouverture, une majorité nouvelle » avec des ministres socialistes. Car il est persuadé que l’UDF, forte de cette offre de renouvellement de la vie politique française, peut gagner. « Voilà la vraie rupture ! » s’est-il écrié, ironisant sur le slogan cher au locataire de la place Beauvau.

« Il faut transcender le sectarisme du 'camp contre camp' qui amène des hommes tels que Dominique Strauss-Kahn ou Bernard Kouchner à faire semblant d'être plus proches d'Olivier Besancenot que de moi », a t-il affirmé, citant le gouvernement d’Union nationale du Général de Gaulle en 1947 auquel participaient les communistes. « Le drame de la France, c’est que des gens qui partagent exactement les mêmes valeurs ne peuvent se parler entre eux », a-t-il ajouté. Il n’a pas refusé non plus un petit clin d’œil à Martin Luther King. « J'ai un rêve. Que, non contents de parler ensemble, ces hommes et ces femmes puissent travailler ensemble », lance-t-il lorsque ce n’est pas son âme d’idéaliste qui s’exprime. Ainsi appelle-t-il de ses vœux une communauté regroupant la Palestine, Israël ou le Liban pour gérer les réserves d’eau sur le modèle de l’Union Européenne, sans attendre que ces pays manifestent la moindre velléité de réconciliation et de partage

Prêchant l’exemple, il avait donc invité à la Grande-Motte l'ancien Premier ministre socialiste Michel Rocard, très applaudi par les 1500 participants, pour causer éducation et l’UMP Michel Barnier pour évoquer l’Europe. Etait aussi convié Nicolas Hulot, dont la suggestion de la création d’un poste de vice-Premier ministre en charge du développement durable a été immédiatement reprise par le président de l’UDF dans son programme. L'ancien conseiller de Jacques Chirac pour les questions écologiques, déjà présent lors de l’université d’été des Verts à Coutances expliquait qu’« il serait indécent que l'engagement écologique du pays soit conditionné à un simple rapport de forces électorales ». On est loin des guest-stars strass et paillettes de Nicolas Sarkozy à Marseille, qui recevait Doc Gynéco et Johnny Hallyday.

Autre signe de cette volonté « d'élargissement de la base », les citations imprimées sur les T-shirts portés par les jeunes militants : « le courage c'est d’aller à l'idéal et de comprendre le réel » (Jean Jaurès), « l'avenir dépend des révolutionnaires et se moque bien des petits révoltés » (Jacques Brel). François Bayrou a également rendu un hommage appuyé à des personnalités aussi diverses que Jacques Delors, Raymond Barre, Valéry Giscard d’Estaing ou Bernard Stasi.

Faisant preuve d’une nouvelle fermeté, François Bayrou s’est retourné contre son « camp » et a multiplié les critiques au vitriol contre son homologue de l’UMP. Appelant à voter contre le projet de loi de fusion GDF-Suez, il a reproché au ministère de l’Intérieur sa complicité avec les grands groupes économiques. Une proximité qui étouffe médiatiquement l’UDF. Les média réduisent la compétition à Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy. Visant Bouygues (TF1), Dassault (Figaro) et Lagardère (M6/Hachette), il a fustigé les « puissances considérables qui ont avec l'Etat des rapports de clients, et qui ont le plus grand intérêt à orienter les choix futurs des Français ».

Pour le candidat à la présidentielle comme pour le directeur de l’hebdomadaire Marianne, invité à débattre avec le constitutionnaliste Guy Carcassonne sur une sixième république, la fin de ces dérives monopolistiques passe par de nouvelles lois. Les pouvoirs politique, économique et médiatique seraient clairement séparés. Le second tour de la présidentielle ne serait plus réservé aux deux candidats arrivés en tête, mais serait ouvert comme toute autre élection, aux candidats obtenant plus de 10% des inscrits. Enfin une dose de proportionnelle serait introduite aux législatives afin que l’extrême gauche et l’extrême droite soient représentées et se confrontent au débat parlementaire.

Son programme articulé autour de six thématiques (éducation, lutte contre l'exclusion, défense de l'environnement, politique de retour à un équilibre des finances publiques, entreprise et Europe) souffre aussi d’un pillage d’idées. François Bayrou défendait samedi dans son discours de clôture pour les jeunes, la création d'un service civique, le lendemain le ministre de l’Intérieur évoquait la même piste.

Accusé de connivence ou de plagiat, l’intéressé voit dans ses insinuations « la détresse d'un candidat en perdition dans les sondages ». Face au duo Sarkozy-Royal, François Bayrou n’est crédité que de 7% des intentions de vote. Sa stratégie ne fait pas non plus l’unanimité chez les cadres de l’UDF. Certains comme Gilles de Robien la jugent hérétique. L’actuel ministre de l’Education a ainsi boycotté cette université. « Il faut faire attention à garder notre socle de centre droit, il faut qu'on soit capable de rassembler », faisait observer le député de Lot-et-Garonne Jean Dionis du Séjour. D’autant plus que l’opération séduction à gauche est loin d’être faîte. « Mon arrivée ici est un geste d'amitié vers vous, mais pas l'annonce de mon adhésion », précisait Michel Rocard.

Du score du président de l'UDF dépend l'avenir de ses troupes aux législatives. Son succès ou son échec validera cette stratégie d'indépendance confortée au dernier congrès de Lyon en début d’année. En attendant il ne lui reste plus que 240 jours pour convaincre les Français et son propre parti, qui devra accorder ses violons d’ici septembre sur le projet de loi de fusion GDF-Suez. Qui ralliera le panache blanc du Béarnais ?