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01.09.2006 : Qui peut croire que le PS et l'UMP feront 70% des voix ? (France Soir) - Interview de Hervé Morin

L'UDF tient à partir d'aujourd'hui ses universités d'été. Pour François Bayrou, qui veut dépasser le clivage gauche-droite, il s'agira de trouver sa place entre les deux chouchous médiatiques de la politique, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal. Hervé Morin, président du groupe UDF à l'Assemblée dévoile la stratégie du parti centriste.

François Bayrou a accusé hier les médias d'orienter les Français vers un choix « tout fait » entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal. Est-ce devenu si difficile de s'exprimer à côté des deux « favoris »?

La situation de la presse pose deux questions. La première, c'est la concentration de la quasi-totalité des médias dans les mains de trois grands groupes industriels. La seconde est le lien entre ces grands groupes et l'Etat, notamment parce qu'une partie de leurs activités repose sur des commandes publiques. Par exemple, Dassault sur l'armement. Ils ont intérêt à ce que rien ne change, puisque depuis 20 ans ces grands groupes ont des relations établies avec les mêmes pouvoirs. Ce système n'est pas sain, même si les Français ne se font pas guider leur choix.

Les sondages ne placent pas François Bayrou dans les meilleures positions. Cela vous inquiète?

Les sondages n'ont aucune valeur de prédiction du résultat de l'élection. Depuis 1974, il se sont systématiquement trompés sur les deux candidats du second tour: ils annonçaient Chaban en 74, Rocard en 81, Barre en 88, Balladur/Delors en 95 et Jospin en 2002. Les Français ne sont pas encore dans le moment où ils s’interrogent sur le programme et la personnalité pour qui ils auront envie de voter.

N'est-ce pas paradoxal, alors que les gouvernements sont systématiquement sanctionnés dans les urnes depuis 1978, que les deux favoris des sondages appartiennent aux deux principaux partis, le PS et l'UMP?

Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy ont réussi à donner le sentiment qu'ils étaient neufs, qu'ils incarnaient le renouveau, alors qu'ils ont exercé des responsabilités ministérielles depuis une quinzaine d'années. On les crédite chacun de 35% au premier tour. Qui peut croire que le PS et l'UMP feront 70% des voix ? Ce n’est pas sérieux. On va maintenant voir le contenu de leur programme. Et je serais ravi de lire celui de Ségolène Royal, s'il existe.

L'UDF souhaite sortir du clivage gauche/droite. Pour quelles raisons?

Pour nous, l'affrontement entre la droite et la gauche empêche l'émergence d'une majorité capable d'effectuer les changements nécessaires pour la France. Un président doit chercher à rassembler, sur chacun des grands sujets, les hommes et les femmes issus d'horizons soit disant différents pour aboutir à un diagnostic commun de la situation et ensuite dégager les grandes lignes des changements à opérer. Il appartient, bien sûr à la fois à la majorité de prendre ses responsabilités. Par une telle procédure, on entreprend une pédagogie nécessaire auprès des Français et on crée des majorités beaucoup plus larges, capables d'affronter les forces qui s’opposent. Avec 20% au premier tour, on ne peut gouverner que si l’on rassemble. Quand on a entre 30 et 35% des électeurs qui votent pour les extrêmes, et refusent donc notre modèle de société, on voit bien qu’il est nécessaire de sortir des clivages traditionnels pour entreprendre les grandes évolutions dont la France a besoin.

Ne craignez-vous pas d'être incompris par les Français, voire même par vos propres électeurs?

On verra bien! La situation du pays ne permet plus que l'on jette systématiquement des pierres dans le camp d'en face avec comme seul objectif, quelque soit le contenu, qu'il échoue. Nous proposons de dégager des majorités non plus de camps, mais d'idées. A l'image de ce qui se passe en Allemagne avec la grande coalition entre la droite et la gauche.

Le PS ne semble pas manifester beaucoup d'intérêt pour vous?

Le PS va devoir un jour sortir de sa contradiction entre le discours qu'il adresse à l'extrême gauche du pays avant les élections et la réalité de sa politique quand il est au pouvoir. Il y a au sein du PS comme au sein de l'UMP des personnalités politiques qui à la fois défendent l'économie de marché et souhaitent qu'elle soit contrôlée. C'est là le sens de la venue de Michel Rocard, par exemple, aux universités d'été de l'UDF.

François Bayrou a déclaré que son programme était très différent de celui de Nicolas Sarkozy. Qu'est-ce qui vous différencie de l'UMP?

Nous voulons construire une vraie démocratie où le pouvoir exécutif est contrôlé par un parlement qui donne toute la transparence que les citoyens exigent. Nous voulons un Etat équitable qui ne nomme pas les gens en fonction d'amitiés politiques mais de compétences. Par exemple, nous sommes les seuls à défendre une baisse massive des charges sociales pour créer des emplois ou encore les seuls à défendre la construction d'une Europe politique capable de rivaliser avec les Etats-Unis.